Milan c'est dingue pt. 2. Dingue comme des japonais ne parlent pas un mot d'anglais ou d'italien si bien qu'on se demande comment ils ont trouvé le chemin de la Fiera. Dingue comme des apple pies tout chaud que l'on vous sert accompagné de crème fraîche bio assis (oui, assis) sur une cuisine à roulettes gérée par deux hollandaises!
Petit moment de plaisir entre la découverte de jeunes designers qui sortent de leur torpeur et la confirmation de nouveaux talents. Au find fond de la Fiera au nord ouest de Milan, le Salone Satellite est chaque année the place to be lorsqu'il s'agît de dénicher les jeunes studios et designers qui passeront ensuite par les mains expertes des galeries et éditeurs internationaux. International c'est justement le terme a associé à cette édition. Des A (anglais, allemands, américains, africains), du b (brésiliens), quelques j (japonais) et trop de c... chinois. Une sélection bien nommée Design the World, opérée par un jury de pros composé entre autres du belge Xavier Lust et de l'espagnole Patricia Urquiola. Les jeunes talents présentés venaient des cinq continents exposer leurs créations autour d'un parcours parsemé de points de rencontres (et de repos!) thématiques pensés par de designers locaux d'Afrique (Charles O. Job), d'Océanie (l'australien Darcy Clarke), d'Asie (mes chouchous japonais Tonerico) etc. Parlons des japonais justement. Sensible, raffiné, délicat, artisanal, le design made in soleil levant semble jouer dans sa propre cours en faisant fi des tendances, tel Monochro, qui a développé une ligne plutôt féminine faite de lampes rubans et patères papillons. A l'inverse, les productions des anglophones (Jarrod Lim, Corrina Warm...) et germanophones (Postfossil, Sebastian Herkner...) étaient pragmatiques : formes simples, structures apparentes et matériaux classiques comme le bois ou l'aluminium. L'argentin Federico Churba semblait lui avoir toutes les cartes en main pour attirer la faveur d'entreprises tel B&B Italia. Les designers présents à Satellite semblait aussi très intéressé par la notion d'assemblage, de construction ou même de déconstruction comme en témoigne les allemands Matthias Ries et Reinhard Dienes. Le premier fixe ensemble des étagères avec de grosses pinces recouvertes de tricot (Plus One) puis associe papier mâché et béton pour construire une table (Mache). Le second propose des tables au plateau ajustable à l'aide d'un écrou papillon en plastique (Le Belge). Au delà des installations et performances plus ou moins discutable de Satellite tel la chaise fontaine (Aqua Chair) du coréen Hyun-Dae Kang, le salon brillait par les déjà luxueux attributs de quelques studios dont celui du norvégien Hallgeir Homstvedt qui exposait de sublimes lampes en marbre de Carre inspirée de Vico Magistretti, d'énigmatiques photographies et des installations en plexiglass graphiques et minimales. Les fétichistes de la céramiques pouvaient eux trouver leur bonheur au stand de la Fabrica qui inaugurait un nouveau chapitre punk de son existence (The Riot Act) dans la lignée de leur collection de cloches (This and That) : de simples vases blancs exhibant leur piercings de chaînes ou de cravaches.
Reinhard Dienes et sa table Le Belge / Tricots, béton et papier mâché du berlinois Matthias Ries
Swing, Suspensions extensibles en gomme du studio japonais Monochro
Inspirations Thonet pour ce portant en bois courbé d'Anna Blattert (Valet) et ce fauteuil de Thomas Walde (Reflect chair) du studio Postfossil
Lampe en marbre Arnado, miroirs OHH et installation d'Hallgeir Homstvedt
En parfait miroir de la jeune génération de designers européens, le quartier de Lambrate était un peu l'île au trésor dont tout le monde parlait à Milan. A l'opposé de la Fiera, et donc très éloigné du centre ville, Lambrate se méritait, avec un parcours fléché qui vous faisait passer par une zone apocalyptique à la sortie du métro d'une gare déserte à un début de voie rapide. Enfin arrivé, c'est un vrai petit village que l'on découvrait. Derrière une chapelle se déployaient quelques larges rues aux faux airs de mini Meatpacking district milanais qui fleuraient bon l'arty. A la galerie Prometeo, une installation de Maarten Baas semblait nous prévenir d'entrée de jeu : Lambrate est le paradis du dutch design. Mais avant d'en vérifier les contours dans les ateliers environnants, il fallait s'introduire à la Scuola Politecnica di Design aka "SPD" pour les intimes : cette école de design culte qui a vu naître les plus grands mais dont on ne sait finalement pas grand chose IRL. L'occasion était donc parfaite pour se glisser dans les salles de classes ouvertes au public et discuter avec les élèves... qui ne font pas QUE du design comme en témoigne les installations - d'art contemporain - qu'ils avaient préparés (True Stories). Des expériences sensorielles : une orgue interactive (The Light Orchestra) et un remix tuning du traditionnel circuit de voitures de fête foraine (Sunday at the Race). Un parcours d'art contemporain qui continuait juste à côté de l'école entre des meubles des néerlandais Geke Lensink et Jesse Visser qui ont en commun un style entre le traitement du brut par Ineke Hans et les assemblages de Philippe Nigro. On continuait ensuite le parcours dans la galerie de design art Plusdesign où le prototype de la table Sedie in Liberta de Lorenzo Damiani et le podium Autocelebrazione de Marina Fulgeri étonnaient leur monde. Mais c'est véritablement les espaces d'expositions de la Via Massimiano qui en mettaient plein les yeux... et les mains, car là le toucher était indispensable. Les designers présentaient en effet des expérimentations inédites autour des matériaux : cuir plissé sur les coiffeuses de Marly Gommans, rangements pluriformes en bois de Bram Boo (prochainement édité par la Toolsgalerie...?), moules exponentiels du Studio Glithero, atelier de poteries virtuelles (L'artisan électronique, Tim Knapen) et table basse à la surface aussi limpide que l'eau (Le Lac, Aldo Bakker) étaient les stars de Lambrate. Des travaux qui prenaient part à la thématique initié autour du Do It Yourself par IN Residence. Un parcours géant et surprenant où il fallait prendre le temps d'apprécier ces nouveaux regards sur les techniques mobilières traditionnelles, subtilités de fabrication par ci, l'humour par là. Craft était donc le mot d'ordre. Craft design... et craft food à la sortie du hangar de la Autofficina où l'on pouvait en toutes langues picorer un aperitivo servi dans des boites à outils! Viva Lambrate!
Immeuble Luna de la Via Ventura / Oeuvres du Textiel Museum de Tilburg (Pays-Bas)
Une grosse pince rouge et un néon forment la Light Clamp de Jesse Visser
Table Sedie in Liberta de Lorenzo Damiani : façon ready-made composée d'une multitude de chaises soutenant un plateau en verre / Fresque dans le parking de la Politecnica
Sans douté inspiré par l'artiste Erwin Wurm, le designer hollandais Lambert Kamps fabriquait sur place des tabourets (Obese objects) dont l'assise est capitonnée à la visseuse électrique.
The Light Ochestra, conçu par Daniel Simonini, Lorenzo Marini et Fernando Gonzales Sandino remportait tout les suffrages avec ses gigantesques touches qui émettaient son et lumière
De haut en bas : Can a sixteenth-century curiosity cabinet be transposed to our times?, cabinet de Jon Stam (Design Academy Eindhoven) / Détail de la coiffeuse Dressed wood de Marly Gommans, qui crée aussi des robes sur le même principe du plissé / Boites de rangement accouplés, par Bram Boo
Le tour de potier digital de Tim Knapen / Banc Running Mould en plâtre, Studio Glithero