26.10.09

AMPHIBOLOGIE


Tabouret avec assise en bois de bouleau (2007) d'Andrea Branzi (Galerie Kreo)

L'art contemporain c'est bien. Le design encore mieux. Mais quand il s'agit de la FIAC, tous les regards se tournent naturellement vers le premier. Et tant mieux puisque cette année fut un très bon cru. Sauf que dans l'oeil d'un design addict, tout est prétexte d'en revenir au design, certaines oeuvres contemporains pouvant aisément prétendre au statut de meuble et/ou objet. En l'espèce, la forme avant tout pourrait définir cette attribution tant les frontières entre art et design semblent toujours de plus en plus minces. Et même si les galeries de design ont cette année été soigneusement placées au fond de la nef du Grand Palais (Dieu merci, cela change des interminables escaliers à monter pour accéder au Saint Graal), certains artistes (étrangers en majorité, exposés souvent par des galeries italiennes ou germaniques) font habillement référence à l'univers codé design avec une perspective tout non-fonctionnelle qui fait leur charme. Des oeuvres tantôt surprenantes, rentre-dedans ou volontairement énigmatiques. Tout est dans le cartel...

Stand Pilar Corrias, mezzanine du Grand Palais

Johannes Wohnseifer, Shutter-Shutter Painting #1 (2009) / Stand de la Galerie bruxelloise Dependance

Special place (2009), Anya Zholud

Untitled (2008) de Marcio Garcia Torres, des assiettes en céramiques de différents diamètres (Galerie Jan Mot, Bruxelles) / Infidelity (2009) de Wilfredo Prieto : un simple crayon rouge et le capuchon d'un stylo bleu posé sur une étagère (Galerie Nogueras Blanchard, Barcelone)

NB : Et puis comme la photo était partout à la FIAC comme à Slick et sous le pont Alexandre III à Show Off, je ne pouvais pas vous laisser sans poster quelques prises de Ian Wallace, artiste canadien qui manie avec subtilité et réalisme la photographie. Souvent prises sur le vif, où ci-dessous avec les photographies du célèbre pavillon de Mies Van der Rohe à Barcelone, soigneusement léchées, elles souvent sont accolées à de simples pans de couleurs. Une signature à suivre chez Yvon Lambert...

Vues du Pavillon Mies Van Der Rohe à Barcelone (2009), par Ian Wallace

A droite, fondu dans le décor, le miroir hybride (2006) de Jeppe Hein (Galerie Johann Köning, Berlin)

Fiorito (Cerchi) (2008), Andrea Sala (Galerie Monica de Cardenas, Milan) / Ohne Titel (Wolfsburg), dernière oeuvre en date de Florian Slotawa (Galerie Sies + Höke, Düsseldorf) qui fait actuellement l'objet d'une rétrospective au PS1 de New York.

17.10.09

(EXTREME) MAKEOVER



DesignArt n'est plus. Vive le Pavilion of Art and Design? Pas si simple que ça. Ambiance morose, petite poignée d'acheteurs et sourires au coin des lèvres étaient au programme mercredi dernier, premier jour d'ouverture au public de cet homologue londonien de notre cher PAD. Mais alors que l'Art moderne était exposé à Paris comme une savante option au design XXe et contemporain, la véritable star du salon, les rôles ce sont inversés cette année. Fini 2007 et le lyrisme inouï des prix affichés et atteints par le design. Fini 2008 où l'on se battait pour une pièce de Marc Quinn tandis que les visiteurs affluaient dans les allées, en marge du bouillonnement de Frieze. La crise serait-elle passée par la case design-art?

L'heure semble désormais à la modestie. Pas sûr donc que cette année une oeuvre comme la lampe Illuminatus d'Atelier Van Lieshout (ci-dessous) trouve preneur... Pourtant, à moins de 10 000 eur, les prix restent corrects. Un peu plus loin dans allées, Perimeter mise (à temps) sur une importante table Cathédrale du regretté Pierre Paulin tandis que la Galerie du Passage (Pierre Passebon) expose un total look Pol Quadens : lit, chevet, table basse, étagères... Le tout entièrement réalisé en Corian. Avec en plus Olivier Watelet et le designer américain Josef Walsh présent chez Todd Merrill (Contemporary Studio) -seul véritable nouveau venu, c'est presque si l'on cherchait cette année où était le design. Envolées Mouvements Modernes, Hervé Van der Straeten, HP le Studio, Sebastian+Barquet (dont seul la galerie de New York a subsistée)... même David Gill (Londres) n'a même pas osé franchir le Thames. Un signe sérieux d'affaiblissement des galeries de cette catégorie, sans doutes effrayées cette année à l'idée de shipper leur marchandises sans possible retour sur investissement.

Fauteuil en bois laqué, par Josef Walsh

Le très beau stand, tout en retenue, de Franck Laigneau, proposait des sublimes assiettes de Tiffany ainsi que des meubles signés Carl Wetsman

Collier, Louise Bourgeois / Buffet-crédence, Paul Evans

Pour compenser ce manque tout en maintenant la réputation high quality du salon, Patrick Perrin et Stéphane Custot ont eu l'ingénieuse idée d'ouvrir à fond le PAD aux galeries d'Art moderne, peinture et sculpture. Ainsi, des marchands comme Jacques de la Béraudière (Genève) ou Louisa Guinness font leur entrée - avec en majorité des galeries londoniennes.

Même si cet important changement fait tourner la mayonnaise vers une foire moins pétillante, presque endormie par tant de Dubuffet, Léger, Schiele, Fontana et Soulages... on applaudit poliment cette prise de risque "en arrière", qui n'entache d'ailleurs en rien la réputation éclectique et exigeante so french du Pavilion où le plaisir d'acheter semble ici remplacer l'investissement à tout prix. Un monde à part de Frieze...Peut-on encore seulement parler en l'espèce de "design fair"? Non.

Lampadaire Illuminiatus, Atelier Van Lieshout / Study of the Human Body, Francis Bacon

Berkeley Square, en plein Mayfair - quartier incontournable du luxe londonien qui se bonifie sans cesse (notamment du côté d'Albermale et Dover Street)

12.10.09

ANOTHER SHELF

Lap shelving de Marina Bautier, où l'essence même du meuble de rangement

Symbole du "design" dans sa dimension où la forme se doit de s'effacer devant son contenant, la bibliothèque est le meuble fonctionnel par excellence. Mine de rien, un lot impressionnant de propositions toutes plus farfelues les unes que les autres déboule chaque année. Tandis qu'on oublie la plupart, on prête aisément aux autres des faux airs de successeurs des icônes que sont la Bookworm de Ron Arad et les Cloud Shelves des frères Bouroullec. Voyant cette tendance au renversement volontaire des codes la bibliothèque comme un meuble sobre et ennuyeux, je me suis toujours dit qu'au moment de l'acquisition de ce type de meuble, je n'aurai plus qu'à choisir entre les Billy d'Ikea, la gamme USM ou les rangements modulaires de Dieter Rams pour Vistoe (1960). Simples durables et modulables. Mais qu'il a-t-il seulement de nouveau cette saison pour bousculer ces classiques et ne pas tomber d'inutiles excès baroques? Un nouveau classique pardi!

Selon mes dires, le rangement ultime 2009 serait signé Marina Bautier, énième figure à suivre de l'Atelier A1 (véritable poule aux oeufs d'or belge qui comprend entre autres Big Game, Sylvain Willenz et Nathalie Dewez...). Depuis quelques années, cette trentenaire a su charmer français (Ligne Roset), espagnols (De La Espada, avec son astucieuse chaise-tabouret) et japonais (Idée). Cette année, elle remet le couvert pour nos confrères d'outre Manche. En l'occurrence pour la troisième collection de Case Furniture (Matthew Hilton, Robin Day...) avec un système de rangement d'une rare évidence où étagères et bacs viennent se poser sur une simple structure montants + traverses. Du métal découpé et du chêne, rien de plus. Rassurant et innovant. Pile à temps.


Détail du chêne brut composant la structure de Lap Shelving

Le fauteuil Fold crée l'année dernière reprend le même principe que les étagères Lap Shelving, à savoir d'emboîter deux simples matériaux pour un effet boeuf. Ici du cuir souple rembourré avec une structure en chêne massif.

4.10.09

LET'S GET VISUAL


Dubious Forms, Sydney Pink

Il n'y a pas que Design Art ce mois-ci (oups pardon, Le Pavillon des Arts et du Design...). Après Londres la semaine prochaine, on ira aussi courir en Allemagne pour Illustrative, la mecque de l'art graphique. Après deux stop over à Paris et Zürich les années précédentes, le festival retourne à Berlin. La crème des jeunes graphistes, visual artists et tout le tralala s'y donnent rendez-vous. On y retrouvera des masters comme Keiichi Tanaami et surtout des nouvelles pousses, que les pros et amateurs viennent dénicher en masse. Dans le tas, Sidney Pink et Nigel Evan Dennis sont des plus prometteurs.

Tandis que l'américain-japonais de coeur Sydney Pink, remarqué très tôt par Takashi Murakami, tend une subtile passerelle en mode pastel entre banalité et fantastique, Nigel Evan Dennis rend sympathique n'importe quelle forme géométrique et fait valser Pythagore pour Skinny Fingers, le clip du groupe A Lull (à visionner ci-dessous)...

Et si on échangeait ses billets de train pour Berlin?

Blockswood + Boxeswood, Nigel Evan Dennis

Char 1, Nigel Evan Dennis

There is not only Design Art on this month (oh excuse me, "Pavilion of Arts & Design" as it is called now). After running to London next week, Germany hosts Illustrative, the most influent graphic art event in Europe. After two stop overs being in Paris and Zürich these past years, the festival is finally back in Berlin. The cream of the crop amongst the young graphic designers, visual artists and all the european hip crowd have it in red on their agendas. The numerous professionals and amateurs will be there to find the masters attending the event such as Keiichi Tanaami and of course the new-comers; the most promising are Sidney Pink and Nigel Evan Dennis.

The American yet Japanese influenced Sydney Pink, who was spotted early by Takashi Murakami, creates a connecting rainbow in soft pastel color between the ordinary and science fiction and "kawaï bizzare"; whilst Nigel Evan Dennis brings harmony to any geometric figure and swings triangles for the needs A Lull's Skinny Fingers video clip (see below)...

What if we change our train tickets for Berlin?

A Unlikely Vessel + There's A Reason, Sydney Pink

1.10.09

HOME(S)


Du peu de mobilier de Rei Kawakubo, on connaît surtout ses austères chaises en métal.
Vendu 8000 $ l'année dernière, ce fauteuil est le dernier des 28 dessinés par la japonaise.

De Rei Kawakubo dans les années 80 pour Comme des Garçons à l'empire Armani dont la division Casa est devenue peu à peu une marque à part jusqu'à Diesel plus récemment et of course Rick Owens de façon plus indé, avoir une ligne de mobilier pour une maison de mode est désormais (presque) une évidence. Inutile de préciser que ce phénomène ne touche pour l'instant que les maisons étrangères. En France, le décloisonnement des disciplines ne semble toujours pas être d'actualité. C'est tout juste si l'on se risque à faire du linge de maison et de la vaisselle comme Dior et Rykiel, ces produits officiant - à la manière des parfums, comme le fast access au luxe. Le fait est que l'on a pas forcément envie de posséder chez soi une chaise médaillon Dior gris perlé ou fauteuil en tweed pour faire comme Rue Cambon. Cependant, certaines maisons le font très bien par délà nos frontières. Un des plus beaux exemples récents fut Bottega Veneta qui conjointement à Poltrona Frau sorti une ligne de meubles des plus luxueuses : des malles en cuir surpiquées et des fauteuils à tomber... Une collection restreinte mais fabuleuse. Tout le contraire d'Armani qui repompe sans cesse un style Néo-Nobu vu cent fois ou Scapa (le Ralf-Lauren belge) qui fabrique des meubles dans la veine Flamant à la sauce Polo Sport. Halte à l'overdose!

Bestiale et minimale, la chaise par l'américain Rick Owens. Chez Jousse Entreprise.

Détails de la suite Elle Déco par Martin Margiela au Palais Chaillot

Comme en design, les pieds de nez dans la mode sont légion alors qui de mieux que Martin Margiela de surprendre tout le monde. Alors que tout Milan s'attendait que la Maison présente des meubles, voilà qu'elle lance des énormes stickers trompe l'oeil à la manière de ceux qui habille les murs de ses boutiques. On attend avec impatience la moquette imprimée parquet... Une autre bonne surprise nous provient de la marque américaine James Perse. Connue au pays de l'oncle sam et chez C'line pour ses vêtements très simples aux matières nobles et finitions impeccables, encore peu distribuée en France, la marque signe une collection inspirée des villes de la West Coast, de Malibu à Los Angeles. Une relecture a minima, exempt de tout effet de style, de meubles américains classiques comme les traditionnels fauteuils de metteur en scène et les chaises longues sans piétement. Contrairement à Monsieur Owens qui signe ses singuliers fauteuils "retour de chasse" pour Jousse Entreprise, la démarche reste commerciale bien entendu. Mais pourquoi pas? Cohérence avec l'ADN de la marque, intemporalité du design et qualité du matériaux font le succès. A quand "Home by Marc Jacobs"?

James Perse himself et sa ligne pour la maison / Boutique sur Bleecker St, New York