9.9.09

SUSTAINABLE


Les trois tailles d'A Scent, le nouveau parfum Miyake


On ne compte plus les designers commissionnés pour dessiner des flacons de parfums. Ross Lovegrove pour Narciso Rodriguez en début d'année, Ron Arad pour Kenzo cet été... tout (ou presque, heureusement) les grands noms du design se sont vu offrir ce défi, ce challenge si particulier de dessiner le contenu d'un élixir griffé, outil du fast access au luxe. Et voilà Issey Miyake qui sort un nouveau parfum, avec la discrétion et le savoir faire en la matière qui caractérise cette maison japonaise depuis le succès mondiale de l'Eau d'Issey. Au delà de la mode, le monde d'Issey a depuis longtemps entretenu une relation privilégiée avec designers et artistes en les invitant à s'exprimer. Back in the eighties, Shiro Kuramata avait d'ailleurs dessiné un projet de flacon (non commercialisé) pour l'Eau. Comme une évidence, la marque a donc fait appel à un designer de renom pour penser le corps de son nouveau parfum féminin A Scent. Comme une évidence, c'est Arik Levy qui s'est naturellement imposé. Rencontre hier avec le designer.

Entre deux videos sur son iPhone, Arik Levy attend un appel de son fils... / Flacons d'A Scent by Issey Miyake (courtesy BPI International)

Il est très grand Arik. Avec sa bonne mine, le sourire aux lèvres, il met tout le monde à l'aise. C'est presque si l'on aurait du mal à croire qu'il avait vécu au Japon. Une terre distante, à mille lieux de son actuel studio parisien et d'Israël, sa terre natale. Un métissage culturel qui fait la force et le charme de ses créations : ses rochers multi-facette, ses lampes extraordinaires pour Rove et ses installations. Une signature, un style où se marient les contrastes, où brutalité et douceur cohabitent. Une métaphore évidence liée à ses origines : " La thématique de l'obstruction, de la révélation et de la lumière sont effectivement liés à là d'où je viens, cette ville où la violence est partout, facteur d'une certaine dureté, mais où les rapports humains coexistent avec harmonie, se révèlent ". On pense alors à son installation pour la boutique Cassina du Boulevard Saint-Germain l'année dernière où les visiteurs étaient conviés à se lover à l'intérieur d'un énorme rocher. Un refuge. De la même manière, ce choc des matières intervient en l'espèce avec le flacon d'A Scent : un verre poli puis transparent, opaque sur le côté et limpide en facade. Accolés les uns aux autres, les différentes tailles de flacons forment une chaîne qui peut s'étendre à l'infini. Une expérience réalisée quelque mois plus tôt au Musée de l'Homme, matérialisant des valeurs chères à Arik (le contact humain, la transmission du savoir, la quête de l'essentiel) au coeur du projet pour Miyake : " Bien que je ne l'ai pas rencontré, Issey m'a totalement fait confiance (...) J'avais l'envie de créer quelque chose d'intemporel, un objet que l'on regardera comme au premier jour dans vingt ans, comme le flacon de l'Eau d'Issey. Une forme très épurée était donc essentiel ". Une philosophie qui n'a jamais été aussi pertinente à l'heure de la surproduction. Arik s'étonne d'ailleurs de la profusion de parfums et gadgets olfactifs en toute genre qui envahissent le marché chaque année : " Le nombre que j'avais en tête, environ 100 parfums sortis chaque année, m'a vite été démenti, ce serait plutôt 300! Où est le plaisir? "

Présentation d'A Scent au Musée de l'Homme

Arik Levy est un designer de notre temps, exempté de tout opportunisme commercial dans son travail, comme le sont Morrison ou Szekely, à des années lumières d'Hadid ou Rashid. Des distances prises avec toute boulimie de l'objet qui permettent de l'épanouir : " L'envie me motive... faire quelque chose que j'aime avant tout. Je suis un être humain. Je ne dors pas beaucoup mais j'auto-innove toutes les minutes ". Que l'argent emporte ses rochers vers les sommers du marché de l'art, il s'en fiche : " Ce qui compte en design, c'est l'innovation ". Par le phénomène du design de galleries et des prototypes aux prix luxueux, le marché de l'art actuel sert d'ailleurs bien ce propos selon lui en faisant avancer la création, poussant à la recherche. Arik s'amuse d'ailleurs que le design prend actuellement une place de choix aux côtés de l'art contemporain, de Londres à Miami : " Au contraire, les chaises de Franz West ne pourrait même pas passer la porte du Salone del mobile ! "