Folding Screen (Yellow), 2003
En sus des questions qu'il émet autour de la notion d'identité sexuelle et sociale, teintées de références toujours bien sentie envers le minimalisme américain, il est toujours plus ou moins question de design dans l'oeuvre du plasticien yankee Tom Burr. Sa première exposition institutionnelle en France à l'excellent FRAC Champagne-Ardenne mené par Florence Derieux ne déroge pas à ses slick déconstructions volontaires et millimétrées des espaces physiques appartenant à la conscience collective ou personnelle. On démarre d'ailleurs avec une longue rampe dont le trou à l'extrémité est une référence à une performance de Vito Acconci circa 1972 à la galerie Sonnabend de New York où ce dernier se masturbait tout en écoutant passer les visiteurs huit heures par jour... De livres posés ici et là sur cette rampe à d'autres oeuvres où des plaques sont envelopés de lourds draps noir ou tissus de T-shirt déchirés à la Helmut Lang, on monte à l'étage de l'exposition pour découvrir - surprise - un ensemble de collage de barbes découpés collés sur des planches de bois dont les veines suggèrent les contours de possibles visages... Entre des passables "jupes de mur" (bouts de tissus qui parsèment les murs du lieu), on termine lavisite avec Susan blushing. Une installation mêlant chaises et tissus rougeâtre mettant en lumière l'écarlate passion à venir entre l'intellectuelle Susan Sontag et la photographe Annie Leibovitz grâce à un exemplaire d'un vieux Vanity Fair où la première devant l'objectif s'était laissé photographiée par la seconde.
Plus que des références d'un microcosme avant-garde gay, l'universalité de l'oeuvre de Tom Burr fait que le grand public peut facilement s'approprier ses pièces. D'une élégance fétichiste, stricte et savamment aléatoire dans la mise en place des éléments plastiques les uns par rapport aux autres, l'artiste américain est clair dans son intention quand on l'interroge : "Je designe l'espace pour y déposer la confluence de mes émotions". Ses Folding screen, 12 steps to Hell et Four Sides to Myself mettaient déjà explicitement en scène l'objet mobilier (un paravent, une chaise...) comme la clef de toutes les narrations implicites autour des thèmes identitaires chers à l'artiste. Avec son piédestal et ses trois chaises anonymes peintes en rouge, sa dernière installation pour le FRAC Champagne-Ardenne utilise le meuble comme support à la nostalgie et l'émotion - d'où la couleur rouge. Et de Tom de le confirmer : "Je suis toujours à la recherche d'une harmonie entre la chance, le hasard et le design".
Vue de l'exposition au FRAC Champagne-Ardenne / Bitch, Immediatly After Vinyl, 2004 - référence au film Vinyl d'Andy Warhol ainsi qu'à Orange Mécanique.
Susan Blushing, 2010