29.11.09

BENTO SURPRISE

Un gros container, une scénographie inédite pour la Designer's week de Tokyo, 2004

Disons le clairement, la course à la nouvelle marque aux produits flambants neufs, encore-plus-dingue que le concurrent, offrant toujours plus pour toujours plus cher est en sérieuse voix de disparition depuis plus d'un an. A l'image d'Hentsch Man, petite marque londonienne de fringues pour hommes, élémentaires et bien coupés, en vente exclusivement en ligne qui a ouvert récemment sa "vraie" boutique (après nombres de pop-up stores) dans le quartier de Saint James. Le succès est tel qu'essayer une chemise pendant la pause déj requierait pas mal d'attente en Octobre dernier. La fausse bonne nouvelle rest que le Japon regorge de ce genre de petits labels, qui côté mode comme Visvim ou design comme Graf n'attendrons jamais de faire massivement fureur dans la vieille Europe puisque les quelques distributeurs de la hype que sont Colette, Corso Como et Co semble avoir passé leur chemin sur ceux-ci. Seulement, certains n'attendent pas d'être distribués arracher par tout les industriels. Exemple avec Tonerico.

Derrière ce nom se cache les trois plus prolifiques designers japonais des ces cinq dernières années. L'aventure commence en 2002 quand Hiroshi Yoneya, Ken Kimizuka et Yumi Masuko se rencontrent à la sortie de l'école. Très vite ils montent un studio commun. Si les premières réalisations sont colorées, dans un esprit "sortie de 2000" finalement assez proche de Christophe Pillet pour le fauteuil Sofa 03 ou même de Ron Arad avec Gusha (pièce unique-pied de-nez aux designers japonais de l'époque qui désiraient produire massivement) leur fond d'activité s'orientent rapidement vers l'architecture d'intérieur, épurant massivement par la suite leurs créations. Dans la grande tradition des cafés "designés" à Tokyo, dont la réalisation du café Spiral par Shiro Kuramata dans les années 80 pourrait se situer comme point d'orgue, Tonerico ont pensé un nombre impressionnant de restaurants et autres boutiques tokyoïtes depuis leurs bureaux de Shibuya, alignant des références prestigieuses tel Hermès. En France l'année dernière, ils avaient signé (un grand mot, vu l'épure volontairement anonyme de leur travail) la scénographie de l'expo WA à la Maison de la culture du Japon.

Côté objets et mobilier, leurs céramiques, chaises, tables et étagères font état d'un soucis extrême au niveau de la recherche des proportions et des matériaux, une pleine référence à la culture japonaise. La série Cell est d'ailleurs inspiré des "monaka", ces petits biscuit japonais creux à l'intérieurs. Dans la même veine, réduisant l'espace à la seule fonction d'habiter, supprimant le superflu, les cloisons mobiles sont reines et il n'est pas rare que que les chaises comportent un dossier quasi inexistant, ou juste simplement matérialisés par ses contours et une assise très fine (un peu à la manière des nouvelles chaises de Nendo), utilisant des matériaux naturels comme de la paille (série Ami). Loin de leur ouvrir les portes de l'Europe, leur première exposition en 2003 au Satellite du Salone de Milan qui présentait des porcelaines avait laissé les éditeurs plutôt froids. Au contraire a Tokyo, une poignée de magasins proposent leur meubles, toujours sur liste d'attente. Irritant succès d'estime.

Etagère 48way, présentée à Milan en 2003 / Assiette en porcelaine Cell

Table de la série Aun, au piétement croisé très Ado Chale

A-House à Tokyo, conception Hiroshi Yoneka, 2001

22.11.09

DECONSTRUCTING COFFEE



Il est rare que j'évoque ici le design industriel et technologique, celui des montres, appareils électroménagers et concepts cars... Pourtant il y aurait à en dire. Andrea de Mathieu Lehanneur (qui vient d'ailleurs d'entrer dans la collection permanente du Musée des Arts Décoratifs) est enfin commercialisé, Jasper Morrison sort ses temps-ci une superbe horloge sous l'égide de Muji tandis que le grille pain transparent de Magimix s'annonce être l'un des cadeaux phare pour Noël. Quid du café? Si Nespresso est loin d'être "développement durable" avec ses nombreuses capsules en alu qui s'entassent dans la poubelle et si Bodum reste la seule alternative old-school, la révolution nous vient tout droit du Canada, une des nombreuses terres où l'asphyxie Starbucks a donné lieu a l'émergence de coffee shop indépendants.

Le jeune designer Philippe-Albert Lefebvre, tout juste diplomé de l'Université de Montréal et prêt pour l'ECAL, a réalisé pour sa présentation de fin d'année le genre d'ustensile dont ont tombe immédiatement amoureux tant au niveau de la forme que de la technique. En l'espèce donc, l'eau portée à ébullition dans un reservoir vient couler automatiquement par gravité dans sa copine la carafe où un filtre métallique permanent (plus besoin de le changer) contient le café ou le thé. Réalisé avec l'aide de Braun, le design s'inscrit dans la lignée des appareils conçus par Dieter Rams pour la marque dans les années 60. Un processus volontairement déconstruit, rapide, écolo et ludique revenant, à l'encontre de toute tendance, à l'essence même de la cafetière. Reste à croiser les doigts pour sa commercialisation...

Maquettes de la cafetière KF700-S (Université de Montréal)

Philippe-Albert Lefebvre (photo : Eric Demay)

It's rare that I write about industrial design concerning watches, electrical appliances and cars... Nevertheless there are comments to be made. Mathieu Lehanneur's Andrea (which is now part of the Musée des Arts Décoratifs permanent collection) is at last being commercialised, Jasper Morrison has recently produced a superb wall clock under Muji's name and the transparent Magimix toaster is a popular choice on this year Xmas gift list. How about coffee? Even if Nespresso is not helping out 100% ecologically with their coffee doses made out of aluminum and filling the trash can, the Bodum method is still a smart alternative. However the new "trend" has come from Montréal, as another saturated Starbucks market gave way to new independent coffee shops.

The young canadian designer Philippe-Albert Lefebvre who has just obtained a diploma at the University of Montréal is now ready for ECAL. He made an outstanding presentation at his final exam with an object of instant attraction because of its shape and technique. It represented a reservoir of boiling water that automatically drips down due to gravity into a coffee pot equipped with a permanent metallic filter (no replacement necessary) which contained the coffee of the tea leaves. The appliance made with the assistance of Braun has a Dieter Rams feeling, remembering his creations in the sixties. Choosing to use a process that pulls it to pieces, it is quick, clever and environmentally protective therefore trendy and defining today's coffee culture. Hoping then to see it on the market...

17.11.09

RISKS


Mur lumineux Stanton Micken de Philippe Starck (1979, Electrorama, est. 1100-1200 eur)


Novembre où la saison des ventes aux enchères, et design s'il vous plaît. Mieux vaut donc tout de suite oublier le Salon du Vintage qui s'est tenu boulevard Saint Germain ce weekend sans aucune surprise à la clef pour se concentrer sur les pièces en vente sur lesquelles il faut miser. Au programme, un petit passage obligé par la seconde dispersion de la collection Yves Saint Laurent, (très cottage et pas franchement design même s'il l'on y trouve du Eames et du Saarinen) exceptionnelle de part la qualité de chaque lot, avec comme un des nombreux point d'orgue un impressionnant bronze de César (L'homme de Draguignan) estimé à près de 60 000 euros. Toujours dans le caritatif, Artcurial organise une mini-vente (une soixantaine de lots) chez Forum Diffusion au profit de la Fédération Internationale des Droits de l'Homme (FIDH) et du V-DAY, contre la violence faite aux femmes, avec des pièces intéressantes dont une table du label au renard Kistuné (voir ci-dessous) produite en édition limitée pour l'ouverture de son guérilla store à Londres en Octobre dernier, plus une subtile coupe en cuivre de Cédric Ragot. La maison remettra le couvert à la fin du mois avec Touchons du bois, vente thématique qui cerne des belles valeurs du design européen où un candélabre inédit en acier brossé de Poul Kjaerholm et des folies de Garouste et Bonetti seront à saisir. Fort à parier également que l'ex-outsider Pierre Jeanneret, longtemps dans l'ombre de Prouvé et Perriand, stabilisera enfin sa côte avec son impressionnante table éclairante dont l'estimation frôle les 100 000 euros.

Coupe P4 de Cédric Ragot (2005, Edition Forum Diffusion est. 300-500 eur /
Les tables Fabian (2007, est. 1500-2000 eur) mises en scène dans le pop up store Kistuné à Chelsea, Londres

Mais le marathon commence dès aujourd'hui avec Tajan et une vente XXe plutôt monotone bourrée de nombreux fauteuils de grands maîtres italiens (Ponti, Mollino...) où l'on retiendra plutôt une rare lampe d'Ettore Sottsass au fût métallisé et fumé aux proportions très années 30 bien que 80. La plus belle part du gâteau attendra pour la semaine prochaine avec la vente Cornette à Drouot Montaigne : beaucoup de scandinaves et de reminiscences memphisiennes, très abordables, côtoieront l'esthétique post-moderne des premières réalisations avant-gardes et luxueuses de Philippe Starck à la fin des années quatre-vingt à savoir un petit secrétaire mignon tout plein en sycomore et un très rare et imposant mur lumineux tout fait de verre dépoli et d'acier qui influera un peu d'audace à n'importe quel intérieur.

Voilà pour la météo. A vos ordres d'achats!

Miroir circulaire en bronze doré et passementerie de fils d'or, Emile-Jacques Ruhlmann (circa 1920, est. 15-20 000 eur) /
Table Compas de Jean Prouvé en formica et métal laqué vert (circa 1950, est. 3000/5000 eur)

Table de bibliothèque éclairante en teck vernissé et tôle pliée, par Pierre Jeanneret (circa 1950, est. 50-70 000 eur) ici dans la librairie d'art Gagosian à Manhattan.

9.11.09

L'AGE DU LIEGE

Courtesy Galerie Kreo / Fabrice Gousset

Après Jasper Morrison et sa fameuse série Cork pour Vitra et Mooi où fauteuils, tables et tabourets étaient entièrement conçus en liège, Martin Szekely a dévoilé samedi dernier rue Dauphine Simple Boxes. L'autre pape du design minimal contemporain s'est mis à l'utilisation de ce matériau en partant du simple postulat selon lequel chacun d'eux se devraient d'être vus de près ou de loin comme de "simples boites". Toujours plus loin dans l'abstraction et toujours très à l'avance dans la technique, avec toute l'exigence matérielle rendue possible par le labo du design qu'est Kreo depuis dix ans, Szekely manie le liège avec génie, mue des tabourets en boite et des tables en tabourets à l'infini...

Ici, Martin dompte le liège (matériau-scorpion par excellence utilisée depuis le XVIIe, résistant au feu et à l'humidité) avec une force technique sans pareille en réduisant l'assemblage à de simples emboîtements. Associé à la puissance esthétique des formes, il signe ainsi un de ses plus beaux ensembles pour la galerie parisienne depuis les tables en béton Concrete (2008). Gardez-vous en bien de dire que le liège est recyclable...


3.11.09

COMPOST CHIC



Impossible de vous laissez la semaine dernière à propos de la FIAC sans vous parler du stand de la galerie berlinoise Klosterfelde qui offrait au regard des visiteurs un total look Dan Peterman circa 1998, du sol au plafond (ci-dessus). Idée brillante qui fit presque oublier les dessins d'autres artistes au mur. L'artiste américain, connu pour son fauteuil-caddy (qui a inspiré plus d'un designer depuis les années 80) et ses installations brutes et minimales à la frontière du land art, du ready made et du design quand il recycle du plastique usagé puis composté pour en faire un sol, des murs, des étagères et même une maison pour clodos; poursuit ses expérimentations politico-écolos for the sake of art.

Pointant du doigt une "société du déchet" physiologiquement détruite par l'enfer de la surconsommation, Peterman utilise nos déchets - plastique dégueu comme bois humide, pour créer des propositions architecturales et mobilières intenses conjugables à l'infini, déployant par la même occasion avec malice et ironie une critique dont l'intelligence se mesure à sa volonté constructiviste. De la matière à penser pour tout récessionnisto(-ta) qui se respecte...


Ton Vertical Storage, 700 étagères en plastique recyclé (1996) / Dan Peterman's home & studio

It's unthinkable not to get back to you since last week's FIAC article without talking about the Berlin Klosterfelde gallery stand which displayed a complete Dan Peterman them from floor to walls (see below). A brillant idea that almost out-shined the other artist's work on show. The american artist well known for his supermarket trolley-chair (which has inspired many designers since the eighties) and his raw & minimalist work between land art, ready made and design when he recycles used and composted plastic to make floors, walls, shelves and even a house for the homeless; continues his green-political tainted experimentations for the sake of art.

Through his works, Peterman criticizes today's "throw-away society" which is physiologically destroyed by over-consumerism. He uses the trash of our wastes such as filthy plastic and decaying wood to create architectural constructions and strongs elements of furniture which are constructed in multiple ways and convey, with clever irony, a statement of his intelligence proportional to his productivity. Thought provoking for each of us aware in the world today...

Ground Cover (1995) / Thank You for Your Patronage : Chairs from Street Carts (1989, Museum of Contemporary Art, Chicago)

Vue de l'installation en 1998