6.9.10

UN STYLE, EN MAIN


Avec Bertille Laguet et ses petits jouets Safari en fil de fer et mousse, Camille Blin est une des figures très prometteuses de l'ECAL. Remarqué au printemps dernier à Milan grâce à sa série de lampes Gradient en verre sérigraphié, imaginé selon la logique des variateurs d'intensité, ses inspirations nettement industrielles accouchent d'objets au design mis à nu. Un travail dont il faut chercher la sensibilité du côté de la technique, ici fine et précise. Des illustrations eighties Solid qui explorent différentes textures et surfaces aux lunettes Aimantées (Visilab, 2008) d'une seule pièce d'acier digne d'un nerd des décennies à venir, le design est clair et précis, signature d'un techno style de l'épure déjà bien trempé. Entretien virtuel autour d'une bouteille de vin, Château pour lui (ci-dessous). Santé!


Box, 2008


Comment ton travail s'articule-t-il quotidiennement? Préfères-tu la conception par ordinateur au dessin?

C'est souvent dans la tête que ça commence au début, en marchant dans la rue... Puis le dessin bien sûr. J'aime beaucoup dessiner et je passe souvent de longues périodes à dessiner sur des feuilles volantes avec un edding 0,1 mm. Parfois il s'agit de dessins pour séduire, parfois il s'agît de dessins très directs, impulsifs. La phase informatique est uniquement là pour clarifier les traits, pour les rendre exact en interpénétrant les intentions des dessins à la main.

Comment s'est passé l'étape du prototypage pour les lampes Gradient?

Beaucoup de sueur dans l'atelier, des coups de téléphone aux fournisseurs pour essayer de réduire les délais... et beaucoup de plaisir à utiliser des machines que je ne connaissais pas!

Serais-tu déjà définir ton style?

Je suis, et j'espère encore pour longtemps, dans une phase de découverte. Chaque nouveau projet est une petite aventure dans laquelle j'aime me perdre puis retrouver des repères, je n'aimerai pas me dire qu'à partir de maintenant que je vais n'utiliser que je ce type de matériaux ou créer ce type de formes. J'aime les artistes dont la personnalité transpire au travers des oeuvres mais qui n'est pas appliquée comme une contrainte.

Te prédis-tu exclusivement à une carrière de designer industriel ou serais-tu tenté par la possibilité d'expériences commissionnées par des galeries d'art contemporain et de design?

Je me suis aperçu que certains de mes objets évoluent sur une frontière entre ces deux univers. J'aime beaucoup répondre aux impératifs d'une production industrielle tout en y ajoutant une poésie ou un caractère fort. Pour moi la lampeLuminator (Flos, 1954) d'Achille Castiglioni en est un parfait exemple : une synthèse entre un respect total des contraintes de production et d'utilisation et une personnalité très forte dans le dessin de l'objet.

Te sens-tu appartenir à cette jeune génération de designers associés à la Suisse tel Nicolas le Moigne et le trio Big-Game, qui privilégient un style innovant et malin et toutefois pragmatique?

Certains de ces designers ont été mes professeurset j'ai appris d'eux beaucoup de choses. Et, même si au fur et à mesure je m'en suis distancié, j'apprécie toujours autant certaines de leurs propositions.

Que retiens-tu de l'année écoulée, entre l'exposition de l'ECAL à l'occasion du Salone à Milan, celle à la galerie berlinoise Helmrinderknecht et la présentation aux Designer's Days sur le sol parisien?

Ce que j'aime le plus dans ces expositions, c'est obs
erver les réactions des gens! Le premier regard qu'ils posent sur un objet est très important. Il est vrai, spontané. Souvent je vais leur parler après et j'essaye alors de comprendre leurs goûts. On apprend tellement de cette manière...

Et les vacances?

Elles ont été assez courtes, je suis retourné dans ma maison familiale des Hautes Pyrénées pour y faire des randonnées et depuis le mois d'Août je suis de retour au bureau... des nouveaux projets qui m'attendent!

Haute technicité et soin particulier apporté à la déconstruction de la structure de l'objet sont des éléments importants dans le travail de Camille Blin. Les lampes Gradient dévoilent leur mécanisme de façon à la fois subtile et frontale, dans la lignée du projet Box sur les intensités lumineuses...

... tandis que les bouteilles de vin Château voient leur matière première (le verre) évidé volontairement, tout comme les lunettes Aimantées qui se résument à leur structure robuste bien qu'extra fine.

Solid, 2009

3.9.10

PIECES OF ARCHITECTURE


Vue du pavillon nordique...

Bon, ça c'est fait! Cette année la rentrée a débutée en Août... La 12e Biennale d'Architecture de Venise venant s'imposer à la fin du mois comme l'évènement européen incontournable. Invité par Audi pour les Urban Future Awards à la Scuola Grande della Misercordia, j'en ai profité pour effectuer un tour express au jour d'ouverture de la Biennale d'Architecture, curatée cette année par Kazuyo Sejima, la grande dame de l'architecture nippone (> à lire ce mois-ci dans Domus une interview par Stefano Casciani). La Biennale court jusqu'au 21 novembre donc pas de panique pour les retardataires. Du conceptuel au documentaire, de l'installation type art contemporain aux à la maquette pure, l'évènement entend décloisonner et surprendre, distillant toutes sortes d'énergies qu'il serait difficile de qualifier sur papier tant le parcours est éclectique, sans doute très sensible et féminin si l'on s'en tient à ce que c'est ici la première fois qu'une femme dirige la Biennale.

Aux entrepôts de l'Arsenale, les idées les plus barrées (des cabanes en bois brut du stand du Royaume de Bahreïn...) côtoient le mystique (The Forty Part Motet, Janet Cardiff & George Bures Miller), l'atmosphérique (la brume artificielle des allemands Transsolar & Testuo Kondo Architects, l'installation aquatique d'Olafur Eliasson...), voire l'invisible... Évident Lion d'or du meilleur projet, l'extraordinaire mirage architectural proposé par Junya Ishigami vaut à lui seul le déplacement (voir ci-dessous). Hans Ulrich Obrist, la star mondiale des critiques d'art, dispose même de son propre stand proposant des interview d'architectes. Côté jardins, les plus beaux pavillons nationaux alignés poliment proposent un ensemble d'expositions assez inégales où les plus excentriques tout comme les petites timides sortent évidemment du lot. C'est le cas de l'Angleterre avec sa Villa Frankenstein mise soustension par les croquis retrouvés de John Ruskin, du Canada avec sa proposition d'ordre végétale va-t-on dire (voir ci-dessous) et d'Israël qui donnait à collectionner des photographies en noir et blanc de maisons et intérieurs kibboutz des années cinquante. Du côté des petits choses qui font grand effet, il faut souligner la précision du pavillon Japonais qui a reconstitué dans son stand des bribes de maisons et appartements nippons en miniature et le pavillon Australien dont beaucoup de visiteurs en on fait leur coup de coeur. D'entrée de jeu happé par des néons oranges qui définissaient la structure intérieur du pavillon, vous étiez plongé dans le noir dans une galaxie parallèle façon Tron où des écrans projetaient en 3D une métaphore filée autour du rapport entre multiplication d'échelles architecturales et terrains naturels vallonneux. Dur fut le retour à la réalité sur le vaporetto...

Architecten de Vylder Vinck Taillieu

Blue Print, des Do ho Suh + Suh Architects de Séoul / Intérieur du pavillon belge / Installation d'un projet à Zurich de Caruso St John Architects

Intérieur du Pavillon allemand / Sortie du pavillon australien


4 studios
incontournables

NOTORIOUS B.I.G.
- Bjarke Ingels Group : Sélectionné pour l'Audi Urban Future Award et présent au pavillon danois, ce studio basé à Copenhague approche l'architecture de façon non conventionnelle et teinté d'humour de Chine au Kazakhstan, où ils comptent implanter un bureau (!). Après la Corée, leur exposition Yes is More est d'actualité à Bordeaux.

ZARDOZ 2.0.
- AMID cero9 : Entre fakes de tableaux XVIIIe, le couple madrilènes Cristina Diaz Moreno et Efren Garcia Grinda donnent donnaient à voir dans leur espace du Palazzo della Esposizioni une maquette entièrement pailletée en rose, celle de Cherry tree blossom, structure itinérante aux airs de boule de gruyère. Une arche de Noé du siècle prochain.

BLINDED LIGHTS
- Jürgen Mayer H. : le studio berlinois gagnant au concours Audi a proposé une nouvelle vision de l'architecture de la ville basée sur le remplacement de l'énergie artificielle par l'énergie humaine. Imaginez une seconde la rue de Rivoli éclairée seulement par les fenêtres des galeries du Louvre et les automobiles, sans ses réverbères et néons de boutiques pour touriste. Vous y êtes!

CARIBOU SOUS EXTAS
- Philip Beesley : Entre la rigueur des pavillons français et allemands, le Canada faisait figure de compagnon offbeat avec son copain anglais. A l'intérieur, une forêt tropicale faite de squelettes végétaux en plastique aux attitudes... humaines. Une architecture "communicante" qui vous invitait à la tâter pour qu'elle vous réponde... Des expériences inédites que l'architecte de Toronto explore depuis bientôt 14 ans.


Architecture is air : study for Château La Coste, Junya Ishigami + Associates

... le pavillon belge!

Anton Garcia-Abril & Ensemble Studio