25.2.09

FOR WANT OF ANYTHING BETTER

Il fallait tenir le rythme. Trois jours d'expositions, trois jours de ventes au Grand Palais. Les enchères de la collection Yves Saint Laurent / Pierre Bergé ont fait vibré Paris pendant près d'une semaine... Si l'exposition a provoqué un rush visiteurs monumental (il était d'ailleurs assez difficile de circuler dans les salles) , les ventes étaient nettement plus calmes (comprenez 5 min d'attente côte Press/VIP et 15 min côté Public - avec nos amis les chinois).

La collection, on s'en doutait déjà à la lecture des catalogues, s'est révélée à l'image du maître et son compagnon. Eclectique mais cohérente, riche sans opulence. La vente Arts Décoratifs du XXe était à ce titre inoubliable, rendant justice à Eileen Gray, Lalanne, Frank... Sous la coupole, suspens et tension accompagnèrent l'adjudication du fauteuil aux dragons de l'irlandaise... 21 905 000 euros. Les catalogues sont des bons lots de consolation...

Sous le coup de la fatigue, sélection express, d'une très infime partie mes grands favoris. (Certaines images sont issues du catalogue)




From top left to bottom right (click to enlarge) :
Eileen Gray's apartment Rue Bonaparte with Satellite suspension (PR €2,977,000) / Eckart Muthesius : pair of floor lamps (PR €2,529,000) pictured at Résidence 'Manikh Bagh', Palais du Maharaja d'Indore. Jean Despres's garniture (PR €91,000); Claude Lalanne: Oiseaux de marbre (small model) (PR €193,000); François-Xavier Lalanne's YSL bar (PR €2,753,00) / Emile-Jacques Ruhlmann small table (PR €41,80); Black rock crystal (PR €46,600); Jean Dunand : Vase au serpend dressé et enroulé (PR €325,000). Installation de Jean Michel Frank / Eugène Printz's bookcase cabinet (PR €661,000); Four armchairs (Anonyme) (PR €103,000); Eileen Gray: console table (PR €2,305,000)

14.2.09

SMALL BUT SPICY

Lovée dans le passage de l'Ancre (n°3), derrière la rue de Turbigo, la galerie Revolt's (01 42 71 77 38), à peine ouverte depuis un mois, offre ce qu'il manquait en France : Ineke Hans, Joost Van Bleiswijk, Christien Meindertsma... ils sont tous là : la crème du Dutch design. Un design direct, avant-garde mais fonctionnel, subtil et intemporel.

L'ambiance de la galerie est détendue mais pointue. Ce qui saute aux yeux, c'est l'accessibilité des meubles d'architectes et designers présentés : une chaise à moins de 500 euros, un buffet avoisinant les 3000 euros... des prix accessibles qui permettent au collectionneurs de suivre le travail d'un designer. Ce sont des séries limitées ou des pièces uniques sur commande. De l'astucieux bureau du belge Bram Boo aux étonnants poofs en laine de l'hollandaise Christien Meindertsma faits main avec des aiguilles d'1m80 de long (!), les pièces ont tous un point commun : un savoir faire certain, auquel s'ajoute une volonté propre au design hollandais : la réduction des coûts et le respect de l'environnement. D'ailleurs, la plupart des designers utilisent des matériaux bruts, voir pauvres, avec une véritable sensibilité dans la fabrication...

Le rendez-vous est pris à 17 heures avec le directeur de la galerie Revolt's. Nike dunk au pieds, Alexandre Popoff défend ses choix..."Avec l'ouverture de cet espace mon but premier est de faire comprendre le travail de chaque designer, le faire respecter." Défenseur d'un design "simple et honnête", Alexandre Popoff a failli ouvrir à Istanbul, heureusement pour nous il a choisit Paris...



















Quels rapports avez-vous avec les designers que vous présentez?

C'est une démarche personnelle. J'allais régulièrement à Amsterdam, où j'avais déjà un certain réseau. Ce sont des gens que je connaissait déjà depuis un moment - je ne pensais pas même travailler avec eux un jour, ça c'est fait naturellement, très vite. Ces designers ce sont rendu compte qu'il était possible d'avoir un écho à Paris, ce qui n'était pas le cas jusqu'à maintenant. Les designers sont très présents. Ils viennent régulièrement, on est toujours en contact.

Comment vous situez vous par rapport à Kreo et Tools notamment, eux qui tendent leur contenu vers le design-art?

Il y a déjà une jolie distribution faite à Paris avec Paul Silvera, Kreo, ou Mouvements Modernes. Revolt's est plus dans l'idée d'En Attendant les Barbares : un de mes premiers chocs dans les années 80 avec Garouste et Bonetti. Je connais Kreo et Tools puisque Kiki Van Eijk a participé récemment à un projet de tapis pour eux. Mais je m'insurgeais notamment, alors que je viens de ce milieu, de ce design qui flirte de plus en plus avec l'art contemporain, qui promeut la pièce unique, atteignant des prix faramineux pour produire au final un fauteuil sur lequel on peut ne pas s'asseoir... C'est la raison de création de la galerie. Je tenais à ce que cela ne soit pas le cas avec Revolt's. C'est pourquoi les designers ici présentés font des meubles avant tout, point. Je ne pouvais pas appeler ça une galerie ni un showroom, je me considère donc plutôt comme un marchand de meuble."

Revolt's... c'est votre rebellion?

Je crois qu'il y avait un ras le bol. Je n'arrivais à me retrouver nul part. Je souhaitais revenir à la notion de design, avec une poesie de l'objet. Le DesignArt n'est pas un courrant dans lequel je me sens inscrit. Je défend une autre une identité, celle du Dutch design. C'est d'ailleurs un terme générique qui a des frontières larges... Par exemple, je me sens éloigné de gens comme Philippe Starck et plus proche de Naoto Fukasawa ou Jasper Morisson par exemple. Dans l'histoire du design, j'aime Prouvé, Perriand, cette école française.

Impossible donc de proposer de l'art contemporain?


Dans cette même logique, je pense qu'il faut à un moment donné poser ses limites. C'est tentant puisque je viens de ce milieu, mais éloigné du propos de la galerie qui veut revenir à l'idée du meuble, qu'est ce que c'est, comment c'est fait...
Il me montre l'étonnante construction de la table, des chaises et du buffet de Joost Van Bleiswijk, où la fixation se résume à des planches de contreplaqué imbriquées les unes dans les autres. ... Ce sont des meubles relavitement simples, avec une haute technicité manuelle derrière.

Et la crise, on s'en fout?

Les effets de la crise sont bénéfique, il faut à un moment donné cesser de tout contrôler. Dans ce contexte, j'ai pu décrocher des designers qui n'avaient pas d'agents, ceux qui deviendront inaccessibles plus tard... Aussi, les gens ne veulent plus consommer comme avant. Il y a un besoin de confort mental à l'achat, accompagné d'une certaine pédagogie... "

Quels sont vos clients?

Des décorateurs, des architectes, quelques particuliers. On devait ouvrir au départ un showroom privé, mais je souhaitait qu'il y ait une démarche pédagogique, accessible, derrière Revolt's. D'où l'ouverture de la galerie au public.

Etes-vous un collectionneur?

J'ai une particularité. Je voyage énormément et pour des raisons et personnelles et pratiques... je vis sans meubles!

A part le design, vos derniers coups de coeur?

Il y a des adresses que je conseille à tout mes clients comme le Musée de la Chasse, magnifique, et l'Institut Néerlandais avec lequel d'ailleurs on va se mettre en partenariat...et sinon... le dernier concert de Goldfrapp!

Propos recueillis le 4/02/09
Lullaby Bench, Martin Holzapfel/ Buffet de Joost van Bleiswijk

Bureau de Bram Boo, disponible en huit coloris

11.2.09

BIG HUG

Au début des seventies, à l'heure du tout venant et de la consommation de masse aux États Unis, l'architecte et designer brésilien Sergio Rodrigues a eu le bon goût de réinvestir la production de son pays... alors qu'on meublait étrangement les édifices révolutionnaire d'Oscar Niemeyer avec des meubles de style colonial. Durant presque cinquante ans, il conçoit du mobilier avant tout confortable, sans négliger l'esthétique. Fondateur du fourre-tout Oca en 1956 (manufacture/studio/galerie d'art/showroom/cabinet d'architecte...), il fait produire ses meubles au Brésil, utilisant des matériaux locaux en privilégiant avant tout le bois. Du slow design en somme.

Le hic, c'est qu'alors que ses meubles s'achetaient facilement sur le marché américain (notamment aux vente de Wright), on avait plus de mal à s'en procurer en Europe. C'est chose oubliée grâce à ClassiCon, qui réedite aujourd'hui une (petite) partie de ses nombreuses (environ 1200) réalisations : quelques chaises et fauteuils, et surtout... Mole.


Certains dirons que ce fauteuil est moche, sans doute; qu'il ressemble à son créateur, avec sa forme amplifiée et ses larges bras dodus, peut être. D'autres enfin avancerons qu'il ferait un parfait remplaçant à la lounge chair d'Eames, sûrement. Mais ce qui est certains, c'est qu'en plus d'être fabriqué main avec du bois d'eucalyptus et du cuir souple et d'avoir un prix plus que raisonnable, Mole est juste archi-confortable. Le refuge idéal après une dure journée de travail.


In the early 70's at the time of massive U.S. consumerism that over took all, the Brazilian architect and designer Sergio Rodrigues reinvested with style in local production in his country....at that period, strange colonial style furniture invaded the revolutionary buildings of Oscar Niemeyer. Rodrigues built mostly comfortable yet beautiful furniture lasting almost fifty years. He founded the "put everything in" "Oca" in 1956 in his manufacture/studio/art gallery/show room/ architect office and got his furniture made in Brazil using local materials and mostly selecting wood. Actually very "slow design".

However, even though his furniture was easily purchased and available in the american market (especially at Wright's sale), it was not that easy to acquire a purchase in Europe. It is at last possible due to ClassiCon, with their re-editions of a small part of the many (about 1200) works; chairs, armchairs and especially....the "Mole".

Some might argue that the "Mole" chair is ugly, maybe, but it ressembles its creator with its ample form and big fat arms. Others might argue that it could perfectly replace Eames 's lounge chair, most probably. But in any case, what is certain, is that apart from being man-made out of eucalyptus wood and supple leather, it has a more than reasonable price tag. Mole is quite simply very comforable. An ideal refuge after a long hard day's work, just like a big hug!

7.2.09

YIPPIE HIETT

Maze, 1993
J'avais envie de vous parler de photo. Non pas parce que Glamour (et je les en remercie, en particulier Ora-ïto) me consacre ce mois-ci une page...(si quoi que, bien que je n'approuve pas la photo choisie); mais à propos de Steve Hiett. Le photographe qui a travaillé pour les plus grands de Vogue au Times Magazine, de Paris à New York, se voit enfin consacrée une exposition monographique. C'est la galerie Maeght qui s'en charge, sans surprise, puisque Hiett avait autrefois séjourné dans la villa de la famille. On dit qu'il fut attiré par la lumière : cette même lumière électrique qui magnifie ses photographies. Le "style Hiett"? Des femmes toutes plus délicieuses les unes que les autres (réf. à Bourdin ou encore Newton), les cheveux au vent, dans des compositions très décentrées; d'une chromatique surprenante, souvent prononcée, qui capture l'instant tout en exprimant un vif mouvement, à la fois tendu et décomplexé.

After the picnic, 1993 / Long Island City, 1994

2.2.09

NOUVEAU GENRE


Que l'on le veuille ou non, le cubisme a changé la vision que l'homme avait de son environnement au début du XXe. Certainement avant-garde avant l'heure, injustement limité à Braque, Picasso et co; ce courant d'art réclamant l'aboutissement de toute pulsion artistique ou fonctionnelle par l'utilisation de formes géométriques, concrètes ou abstraites fait encore effet. Prague demeure le fief du cubisme avec ses grandes maisons aux rebords de fenêtres prismatiques et ses villas aux façades implicitement austères.

Quoi de plus normal donc qu'une des plus fameuses galerie de la capitale tchèque prend le nom d'un artiste du pays (Bohumil Kubišta), réédite du mobilier et des objets d'art a l'aura esthétique jusqu'alors insoupçonnée, et ceci dans la Maison à la Vierge noire. Alors on se demande pourquoi on nous en parle à Maison et Objet, comme ça, au détour du hall 7A, à côté de l'excentrique Qubus, tchèque, aussi. Et quand on voit ce que Kubista propose, on comprend soudain. La beauté formelle de la plupart de ces objets (une poignée, en fait) imaginés au début du siècle passé n'a jamais fanée. Elles n'ont rien a envier aux dernières créations, et sur certains point les surpassent même (voir cette table d'appoint ci-dessous). Avec peu d'effets, un semblant de courbe par là, un enchevêtrement de formes pyramidales et des carrés croisés, la forme ces objets est simplement expressive, sans artifices. Pour les tchèques, il n'a jamais été aussi bon d'être nationaliste...

Side table, 30's replica

Stach and Hoffman house in Prague + Ceramic box

Armchair by Jindřich Halabala, photos courtesy of Gallery Kubista


Whether you like it or not, Cubism changed the vision of mankind on his environment early Twentieth Century. Definitely before its time and unjustly limited to Braque, Picasso etc., this art mouvement encouraged the artistic current to its limit and its designed function by using geometrical forms effectively concrete or abstract. Prague remains the heart of Cubism with its great mansions depicting prismatic window ledges and strictly austere front villas.

Its of course only normal that one of the most famous gallerys of the tcheque capital is named after their local artist (Bohumil Kubista) where they produce furniture and art object re-editions of superb unkown esthetics, and in the House of the Black Virgin. We ask ourselves why they candidly talk about this at Maison et Objet hall 7A next to the extravagant Qubus, also a tcheque. When one sees what Kubista is offering, you suddenly understand. The formal beauty of most of the objects (a handfull in fact), date beginning of the last century have never faded. Nothing to regret with their latest creations being sometimes even superieur in some cases (see side table up). With few effects, a slight curve here and there, multi pyramid layers and cubic crossovers, the shape of these items are simply expressed without excess. For tchekoslovakians, nationalism has never been so good...